Gabriel Orozco, Fleurs Fantômes
Editeur : Grappa Studio
Date de parution : 1 octobre 2016
Nombre de pages : 156
A peine avait-il découvert les anciens appartements des invités du Prince et de la Princesse de Broglie, derniers propriétaires privés du Château de Chaumont-sur-Loire, que le regard de Gabriel Orozco s'est aussitôt porté sur les restes de papiers peints déchirés que nul ne voyait plus, tant ils étaient infimes. Ces impressions fanées, ces vestiges modestes, ces traces si ténues d'un passé disparu ont aussitôt frappé l'esprit de cet immense artiste, invité à « habiter le château » dans le cadre d'une commande spéciale de la Région Centre-Val de Loire. Fasciné par les restes des tapisseries anciennes qui ornaient les murs de ces pièces fermées et abandonnées depuis 1938, Gabriel Orozco s'est longuement imprégné du palimpseste des tapisseries fleuries subsistant sur ces murs anciens, qu'il a longuement photographiés, sensible à ces vibrations d'époques révolues. En ces chambres, en effet, aujourd'hui oubliées, vécurent et dormirent, parfois pour quelques heures, au début du siècle dernier, nombre de rois et reines, venus de toute l'Europe, invités en ces lieux pour des fêtes fastueuses et des chasses fameuses. C'est dans une démarche d'interrogation de l'histoire et de la mémoire du château que l'artiste, dont l'œuvre entière est marquée par la quête des traces, des restes, des empreintes des hommes, se situe à Chaumont-sur-Loire. Il a décelé dans ces fragments de tapisseries anciennes usées par les années, les signes de ces vies depuis longtemps enfuies, matrice d'une méditation subtile sur l'espace et le temps. Les œuvres qui jalonnent les « chambres des invités » du château reprennent des détails et des blessures de ces papiers anciens, dont les élégants motifs floraux sont reconstitués grâce à un procédé unique et lent de projection à jet d'huile sur toile. Le tremblé de l'impression est à l'aune du trouble qui saisit le visiteur en ces lieux, face au dialogue lié par ces œuvres et les murs imparfaits qui s'offrent au regard. L'artiste révèle ainsi ces signes et ces couleurs qui jusqu'alors échappaient à la vue, autant qu'il révèle l'émotion en suspens dans ces pièces. C'est à ce dialogue avec le mystère des lieux et cette mémoire diffuse, que nous invite Gabriel Orozco par cette poétique promenade, empruntant les chemins de ronde et les cheminements complexes des ailes ouest et sud, sur deux étages du château.
Version bilingue (français-anglais)